- (204) 975-4260
- info@rifmb.ca
- Lun - Ven : 8:30 - 16:30
- Accès aux membres
Réseau en Immigration Francophone du Manitoba
Un peu d'histoirE
Histoire de la francophonie au sein du Manitoba
Plongez-vous dans l’histoire du Manitoba avec les Premières nations et les francophones de la province canadienne du Manitoba. Le Manitoba se joint à la Confédération en 1870, et sa capitale, Winnipeg, est incorporée peu après, en 1873.
Découvrez une partie de l’histoire en visitant les faits divers qui sont présents ci-dessous :
La baie d'Hudson
La présence de la communauté francophone du Manitoba, votre nouveau lieu de résidence – permanent ou temporaire – remonte au 18e siècle, à l’époque des « voyageurs », c’est-à-dire des trappeurs de fourrures et des « coureurs de bois ». En effet, avant la fondation du Canada tel que nous le connaissons aujourd’hui, la Prairie (qui comprend le Manitoba, la Saskatchewan et l’Alberta actuels) appartenait à la Compagnie de la baie d’Hudson (CBH). La CBH vendait aux Européens des fourrures tirées des peaux de bisons qui parcouraient la plaine en immenses troupeaux. C’est ainsi que les premiers hommes blancs – et le plus souvent francophones – les voyageurs, donc, sont arrivés dans la Prairie.
Aidés des Autochtones (aujourd’hui, appelés Indiens ou Premières nations), les employés de la CBH partaient de Montréal en immenses canots d’York, utilisaient le réseau fluvial du futur Canada pour se rendre à l’embouchure des rivières Rouge et Assiniboine, c’est-à-dire à La Fourche. Une fois arrivés, les voyageurs transigeaient avec les Autochtones pour les fourrures. La durée de leur séjour pouvait varier, mais dans l’ensemble, ces hommes habitués à la vie rude passaient souvent l’hiver dans l’Ouest, et grâce à l’hospitalité et à la compagnie des tribus autochtones, ils contractaient des mariages « à la façon du pays », ce qui a donné naissance à la nation métisse.
Un Métis est issu le plus souvent d’une femme autochtone et d’un voyageur d’origine canadienne-française du Bas-Canada (aujourd’hui le Québec) ou d’un employé de la CBH d’origine écossaise dont les enfants étaient désignés, comme étant des Half Breeds (le nom disparaitra pour laisser la place à celui de Metis, sans accent aigu). Ces enfants, parfois appelés Bois-Brulés, estiment être propriétaires, de par leur parenté, des immenses terres autour de la Fourche.
En 1812, un lord anglais, grand actionnaire de la CBH, Lord Selkirk, décide de fonder la colonie de la Rivière-Rouge, à la Fourche même. Il fait venir par bateau de l’Angleterre des Écossais qui meurent de faim dans leur pays natal, à cause de conditions climatiques désastreuses. C’est ainsi que pendant six ans, ces hommes, femmes et enfants, vont tenter de survivre dans un climat hostile et inconnu et faire naître ce qui ressemble à un village entouré de terres et de fermes à la façon européenne. Le siège de l’autorité de la CBH se trouve au fort Garry, dont les vestiges sont encore visibles, rue Main à Winnipeg, à proximité du pont Norwood.
Initialement, la cohabitation entre Métis et la CBH est parfois difficile, à tel point qu’il y a un affrontement meurtrier à la bataille de la Grenouillère (aussi connue sous le nom de Battle of Seven Oaks). C’est alors qu’un voyageur de la colonie, Jean-Baptiste Lagimodière se rend à la ville de Québec, au Bas Canada, à cheval pour y rencontrer l’archevêque et lui demande d’envoyer des prêtres catholiques à la Rivière-Rouge pour calmer les tensions sociales.
Quelques mois plus tard, en juillet 1818, le futur Mgr Norbert Provencher descend de son canot d’York, en compagnie de deux autres prêtres. C’est ainsi que Saint-Boniface voit le jour et devient la première paroisse catholique francophone dans l’Ouest canadien. Mgr Provencher donnera à la communauté catholique un Collège classique, une cathédrale et fera venir des religieuses catholiques pour qu’elles s’occupent de l’établissement de services sociaux, hospitaliers et scolaires. La colonie de la Rivière-Rouge est placée sous l’autorité du Conseil d’Assiniboia qui agit au nom de la CBH jusqu’en 1869 : c’est un gouvernement non élu mais possédant un tribunal et une force policière.
La Confédération canadienne
Lors de la fondation de la Confédération Canadienne, 50 ans plus tard, le Canada achète les immenses terres de la CBH, mais ne consulte pas les Métis de la petite colonie de la Rivière-Rouge. Les Métis refusent alors de se joindre au Canada et leur chef, le jeune Métis, Louis Riel, mène une Résistance ferme, qui lui permet de mettre en place un gouvernement provisoire. La Liste des droits qui découle des travaux de ce gouvernement demande des garanties constitutionnelles pour les quelques 12 000 résidants de la colonie. Après des négociations qui se tiennent à Ottawa, la toute nouvelle capitale canadienne, Le gouvernement fédéral accepte de répondre favorablement à ces demandes. C’est ainsi que la constitution de la province est négociée pour l’entrée du Manitoba dans la Confédération canadienne.
Riel et son gouvernement obtiennent un système scolaire dit confessionnel (catholique et protestant) mais payant et volontaire, un système juridique qui reconnait que le français et l’anglais sont les deux langues officielles dans les tribunaux et à l’Assemblée législative, et 1 400 000 acres de terres pour les enfants des Métis de la colonie. Il ne peut pas obtenir l’amnistie pour la mort de Thomas Scott, un arpenteur canadien qui s’était opposé à Riel et qui a été fusillé pour cause d’insubordination. Cette absence d’amnistie va causer de sérieux ennuis au chef métis jusqu’à la fin de ses jours.
Le 12 juillet 1870, la colonie de la Rivière-Rouge devient la province du Manitoba, la 5ième du Canada. On l’appelle « la province timbre poste », à cause de sa petite taille. Cependant, elle est immédiatement ouverte à l’établissement de colons anglophones venus le plus souvent de l’Ontario ou des États-Unis qui ont droit à des terres pour s’établir sur un « homestead, un lieu de colonisation » qu’ils doivent faire fructifier. Pour leur part, les Canadiens français du Québec viennent en moins grands nombres et, très rapidement, les anglophones forment la majorité linguistique du Manitoba, ce qui met en péril les droits constitutionnels des francophones insérés dans la Loi du Manitoba (1870). L’ampleur et la rapidité de l’établissement des colons anglophone vont avoir des répercussions sur l’épanouissement de la communauté francophone et métisse du Manitoba.
De fait, très souvent, les terres réservées aux enfants métis sont surtout données aux colons venus de l’Ontario et les Métis vont, petit à petit, comprendre qu’ils ne pourront pas s’établir sur leurs terres ancestrales, parce que le gouvernement fédéral qui a pris en main la distribution de ces terres n’avance pas aussi rapidement que nécessaire. La grande majorité des Métis se rendent dans les Territoires du Nord-Ouest (TNO) voisins (qui forment de nos jours la Saskatchewan et l’Alberta), où ils vont tenter de s’installer. Malheureusement, le gouvernement canadien n’écoute pas leurs demandes d’aide à l’établissement et c’est la raison pour laquelle ils font appel à Louis Riel, en espérant une victoire semblable à celle de 1870 au Manitoba. Ce sera l’échec.
En effet, le fondateur du Manitoba, après quelques années en exil aux États-Unis, va tout d’abord tenter la négociation avec le gouvernement fédéral, mais à l’été 1885, il se rend à l’évidence : seule une rébellion dans les TNO peut attirer l’attention du gouvernement fédéral. Riel échoue à Batoche et il doit se rendre après avoir réclamé, en vain, des terres et un gouvernement démocratique au nom des Autochtones, des Métis et des colons des TNO.
Il est jugé par les autorités fédérales et est pendu à Regina, le 16 novembre 1885. Riel est une des figures historiques les plus controversées et les plus tragiques de l’histoire canadienne et manitobaine. Ses partisans, les Métis, sont encore très présents dans la communauté francophone du Manitoba et font partie des deux groupes linguistiques principaux de la province. Leurs droits constitutionnels sont les mêmes que les droits des francophones.
Lors de la fondation de la Confédération Canadienne, 50 ans plus tard, le Canada achète les immenses terres de la CBH, mais ne consulte pas les Métis de la petite colonie de la Rivière-Rouge. Les Métis refusent alors de se joindre au Canada et leur chef, le jeune Métis, Louis Riel, mène une Résistance ferme, qui lui permet de mettre en place un gouvernement provisoire. La Liste des droits qui découle des travaux de ce gouvernement demande des garanties constitutionnelles pour les quelques 12 000 résidants de la colonie. Après des négociations qui se tiennent à Ottawa, la toute nouvelle capitale canadienne, Le gouvernement fédéral accepte de répondre favorablement à ces demandes. C’est ainsi que la constitution de la province est négociée pour l’entrée du Manitoba dans la Confédération Canadienne.
Riel et son gouvernement obtiennent un système scolaire dit confessionnel (catholique et protestant) mais payant et volontaire, un système juridique qui reconnait que le français et l’anglais sont les deux langues officielles dans les tribunaux et à l’Assemblée législative, et 1 400 000 acres de terres pour les enfants des Métis de la colonie. Il ne peut pas obtenir l’amnistie pour la mort de Thomas Scott, un arpenteur canadien qui s’était opposé à Riel et qui a été fusillé pour cause d’insubordination. Cette absence d’amnistie va causer de sérieux ennuis au chef métis jusqu’à la fin de ses jours.
Le 12 juillet 1870, la colonie de la Rivière-Rouge devient la province du Manitoba, la 5ième du Canada. On l’appelle « la province timbre poste », à cause de sa petite taille. Cependant, elle est immédiatement ouverte à l’établissement de colons anglophones venus le plus souvent de l’Ontario ou des États-Unis qui ont droit à des terres pour s’établir sur un « homestead, un lieu de colonisation » qu’ils doivent faire fructifier. Pour leur part, les Canadiens français du Québec viennent en moins grands nombres et, très rapidement, les anglophones forment la majorité linguistique du Manitoba, ce qui met en péril les droits constitutionnels des francophones insérés dans la Loi du Manitoba (1870). L’ampleur et la rapidité de l’établissement des colons anglophone vont avoir des répercussions sur l’épanouissement de la communauté francophone et métisse du Manitoba.
Un héritage détruit...
Après les promesses non tenues dans le domaine des terres ancestrales, c’est le tour des autres protections constitutionnelles. En 1890, celles du domaine scolaire, les écoles confessionnelles, sont abolies par le gouvernement provincial du Manitoba. Les catholiques, qui se sentent les plus concernés par ces mesures, intentent trois procès pour obtenir la restauration de ces droits. Tout en obtenant gain de cause, ils ne peuvent pas récupérer leurs écoles confessionnelles, puisque le gouvernement provincial refuse d’obéir aux tribunaux. Depuis cette date, le système scolaire manitobain est public et laïc. Les quelques écoles religieuses qui demeurent de nos jours sont des écoles payantes, qui suivent le curriculum provincial.
Par ailleurs, toujours en 1890, les francophones perdent également leurs protections constitutionnelles linguistiques en vigueur depuis 1870 : le Manitoba devient une province unilingue anglaise, une province où le gouvernement provincial ne parle que l’anglais à ses citoyens. Cet unilinguisme est accentué par les politiques d’immigration massive de la part du gouvernement fédéral qui veut peupler les terres de la Prairie avec des nouveaux arrivants en provenance de l’Ukraine, de la Russie et de la Pologne, entre autres. Ces minorités savent cultiver la terre dans des conditions très difficiles.
En arrivant dans l’Ouest, ces colons donnent au Manitoba un fort cachet multiculturel, puisqu’ils ne parlent ni l’anglais, ni le français et tiennent fortement à leur patrimoine culturel.
Ils prennent avantage d’une clause de la Loi scolaire qui leur permet d’enseigner surtout le catéchisme dans leur langue maternelle, après 15h30. Cependant, le revers de cette situation qui permet à ces nouveaux venus de conserver leur culture et leur langue maternelle va leur causer de sérieux problèmes d’intégration dans la majorité anglophone. Ne parlant pas l’anglais comme ils devraient, ils ne peuvent pas accéder à des postes de commande ou empêchent le Manitoba de prospérer sur le plan économique.
C’est la raison pour laquelle, en 1916, le gouvernement manitobain de T.C. Norris réagit en imposant l’anglais comme la seule langue d’enseignement au Manitoba, ainsi que la scolarité obligatoire. Dorénavant, toutes les langues autres que l’anglais, doivent absolument disparaître de l’espace scolaire. Les francophones sont choqués par cette interdiction d’enseigner dans leur langue maternelle alors qu’ils ont aidé à fonder le Manitoba et le Canada : ils décident alors de ne pas obéir à cette nouvelle loi scolaire.
Ils forment un organisme de défense de la langue française, l’Association d’éducation des Canadiens français du Manitoba (AECFM), un organisme de résistance qui va, pendant près de 50 ans, aider les écoles où se trouvent des enfants francophones à enseigner en cachette leur langue maternelle. Lorsque l’inspecteur scolaire arrive dans le village, les élèves cachent leurs livres et prétendent apprendre leurs matières scolaires en anglais.
Cette situation de « résistance » va durer 52 ans et va grandement affecter la communauté francophone du Manitoba, dont les enfants vont apprendre que la langue française est quelque chose qu’il faut cacher ou ne parler qu’à l’école, la maison ou à l’église. L’isolement des villages, le fait que le téléphone, la radio, la télévision, le système routier et même l’électricité soient très rudimentaires jusque dans les années 1950 vont permettre aux francophones de maintenir leur langue et leur culture sans trop céder à l’assimilation.
Un début de changement
En 1967, à l’occasion du premier centenaire du Canada, le premier ministre manitobain Duff Roblin permet, avec le projet de loi 59, l’enseignement en français à 50% du temps, ce qui est considéré comme étant nettement insuffisant, mais tout de même, une amélioration par rapport à ce qui existait depuis 1916.
La situation changera lorsqu’après de longues années au pouvoir des conservateurs, un nouveau parti, le Nouveau Parti démocratique du Manitoba prend le pouvoir, avec à sa tête, Ed Schreyer. Ce dernier change grandement l’attitude gouvernementale vis à vis des francophones. En effet, dans la foulée du ce centenaire du Canada qui voit, en 1968, le gouvernement fédéral adopter la Loi sur les langues officielles (le français et l’anglais), le Manitoba adopte une politique d’ouverture pour sa minorité francophone de langue officielle.
Schreyer fait construire – avec l’aide d’Ottawa – le Centre culturel franco-manitobain (Boulevard Provencher à Saint-Boniface) en reconnaissance de la position historique des Franco-Manitobains dans la province. Il met en place la nouvelle Loi scolaire # 113 qui accorde l’enseignement du français à 100% du temps, sauf pour les cours d’anglais. Toujours avec l’aide d’Ottawa, le gouvernement provincial ouvre l’Institut pédagogique qui deviendra la Faculté d’éducation (de nos jours à l’Université de Saint-Boniface,) pour permettre de former les personnes qui doivent, dorénavant, enseigner en français dans les écoles manitobaines.
La Loi 113 est tout d’abord bien accueillie par les francophones qui ont soif de légitimité pour l’éducation de leurs enfants. Cependant, cette loi contient une clause qui obligent les parents, tous les ans, à surmonter un obstacle majeur : en effet, ils doivent demander la permission aux commissions scolaires que leur enfant puisse poursuivre leur scolarité en français. La démarche les épuise, divise les communautés et crée de sérieux conflits avec les commissions scolaires qui ne sont pas toutes dirigée par des francophones. Pour sa part, le gouvernement provincial refuse d’intervenir dans ces conflits qui sont, selon lui, locaux.
De nouveau, les francophones s’organisent pour revendiquer leurs droits. Pour cela, ils s’adressent à la Société franco-manitobaine (SFM) qui, en 1968, a remplacé l’Association d’éducation des Canadiens français du Manitoba et qui a accès, contrairement à ses prédécesseurs, à des subventions pour animer la population et l’inciter à prendre ses responsabilités civiques et communautaires. C’est ainsi que certains citoyens se distinguent pour revendiquer les droits abolis, donc oubliés.
En 1967, à l’occasion du premier centenaire du Canada, le premier ministre manitobain Duff Roblin permet, avec le projet de loi 59, l’enseignement en français à 50% du temps, ce qui est considéré comme étant nettement insuffisant, mais tout de même une amélioration par rapport à ce qui existait depuis 1916.
La situation changera lorsqu’après de longues années au pouvoir des conservateurs, un nouveau parti, le Nouveau Parti démocratique du Manitoba, prend le pouvoir avec à sa tête, Ed Schreyer. Ce dernier change grandement l’attitude gouvernementale vis à vis des francophones. En effet, dans la foulée du centenaire du Canada qui voit, en 1968, le gouvernement fédéral adopter la Loi sur les langues officielles (le français et l’anglais), le Manitoba adopte une politique d’ouverture pour sa minorité francophone de langue officielle.
Schreyer fait construire – avec l’aide d’Ottawa – le Centre culturel franco-manitobain (Boulevard Provencher à Saint-Boniface) en reconnaissance de la position historique des Franco-Manitobains dans la province. Il met en place la nouvelle Loi scolaire # 113 qui accorde l’enseignement du français à 100% du temps, sauf pour les cours d’anglais. Toujours avec l’aide d’Ottawa, le gouvernement provincial ouvre l’Institut pédagogique qui deviendra la Faculté d’éducation (de nos jours à l’Université de Saint-Boniface,) pour permettre de former les personnes qui doivent, dorénavant, enseigner en français dans les écoles manitobaines.
Une province progressivement bilingue
En effet, en 1976, l’absence de bilinguisme au niveau du gouvernement provincial irrite considérablement un homme d’affaires métis de Saint-Boniface, Georges Forest, qui reçoit une contravention unilingue en anglais. Il décide de tenter de faire rétablir le bilinguisme législatif aboli en 1890 en se rendant, grâce à cette contravention, jusqu’à la Cour suprême du Canada où il gagne sa cause : le gouvernement n’avait pas le droit d’abolir les protections constitutionnelles linguistiques des francophones. Le Manitoba redevient bilingue dans les tribunaux et à l’Assemblée législative.
Cependant, la Cour suprême ne dit pas comment mettre en œuvre cette décision et si les lois manitobaines, rédigées et approuvées en anglais depuis 1890, sont illégales ou non. Et si elles le sont, est-ce que tout ce qui a été approuvé jusqu’à présent, que ce soit dans le monde des affaires ou de la société civile est légal ou non ? Un jeune avocat, Roger Bilodeau, décide de tester ces questions fondamentales pour la relation du gouvernement provincial avec ses citoyens.
Pour éviter de voir le Manitoba sombrer dans le désordre juridique avec des centaines de lois potentiellement illégales, le gouvernement provincial tente de négocier des accommodements qui permettraient aux francophones d’obtenir des droits longtemps abolis et d’autres nouveaux, notamment dans les communications et les services donnés en personne. Cependant, ces démarches irritent tellement l’opposition conservatrice que de sérieux incidents éclatent. L’opposition refuse de siéger à l’Assemblée, des protestations publiques sont organisées, un référendum municipal sur les droits bilingues tenus à Winnipeg et dans les municipalités rurales et, plus près encore des francophones, quelques édifices de Saint-Boniface reçoivent des graffitis disant « No More French ! », et les bureaux de la SFM sont incendiés, en janvier 1983.
Le gouvernement cesse alors toute tentative d’élargir les services bilingues et Bilodeau prend le chemin de la Cour suprême du Canada : il obtient une victoire mitigée : le gouvernement n’avait pas le droit d’adopter les lois en anglais seulement, mais il n’est pas obligé de donner des services en français qui découlent de ces lois.
Ce qui a été connu sous le nom de la « crise linguistique » a des conséquences dans la communauté francophone. Les tensions, vives pendant plusieurs mois, vont faire en sorte qu’une partie de la communauté francophone se détache des objectifs de la SFM et de ses revendications d’ordre politique pour obtenir des services en français, là où les francophones sont regroupés. Une des raisons de cet éloignement vient du fait que ces francophones travaillent dans des milieux anglophones où ils sont souvent remis en question et, parfois, harcelés par leurs collègues. Ils choisissent alors de taire leur identité francophone.
Cependant, la semi victoire de Bilodeau va redonner, après quelque temps, un tremplin d’épanouissement à la communauté francophone du Manitoba. De plus, le gouvernement fédéral adopte une nouvelle constitution qui va avoir des retombées positives pour toutes les minorités francophones du Canada et, bien entendu, du Manitoba.
Une étape fondamentale
En 1982, le gouvernement canadien de Pierre Elliot Trudeau adopte la Charte canadienne des droits et libertés où sont inscrits les droits fondamentaux des Canadiens, des Indiens et des Métis. Pour les francophones, le gouvernement inscrit à l’article 23 le droit fondamental des parents francophones, scolarisés au Canada, d’inscrire leurs enfants dans des écoles qui enseignent uniquement en français. Au Manitoba, cet article 23 est bienvenu car il permet de ne plus avoir à demander de permission à des commissions scolaires pour obtenir des cours en français pour leurs enfants.
Qui plus est, ce nouveau droit constitutionnel permet à la communauté de parents francophones du Manitoba (et des autres minorités francophones au pays) de penser en termes de division scolaire entièrement à l’image de leur culture et langue maternelle. Il s’agit là d’une victoire extrêmement importante pour ces parents qui, depuis les années 1970, cherchent à obtenir de la part du gouvernement provincial soit un réseau d’écoles françaises, soit une division scolaire dite « homogène », c’est-à-dire une division scolaire uniquement contrôlée par des francophones.
L’avènement de l’article 23 dans la Charte canadienne ne leur donne pas immédiatement satisfaction cependant. En effet, ils devront attendre 12 ans et une comparution devant la Cour suprême du Canada pour pouvoir, en 1994, obtenir finalement gain de cause. La Division scolaire franco-manitobaine (DSFM) ouvre ses portes à la rentrée scolaire de 1994 avec 20 écoles .
Elle en compte 24 de nos jours et couvre toute la province du Manitoba.